Super Nany chez les consultants

Le consultant est une créature peu complexe en dépit de son fort taux de facturation à l’heure, ou peut-être à cause, d’ailleurs…

Le consultant est en général masculin même si le genre féminin est également représenté. Néanmoins, le sac Gérard Darel 24 heures (accessoire préféré de la consultante, du moins à ce jour) ne réussit pas à concurrencer le costume sombre. On distingue d’ailleurs plusieurs catégories de « costumes consultants » mais c’est un autre sujet.

Quand le consultant doit se rendre jusqu’au restaurant d’entreprise (à la cantoche), le consultant arpente la rue d’un air détaché et détendu qui signale que la pression est relâchée et qu’il s’épanouit. Puis, il se dirige toujours négligemment vers le self et toise la nourriture qui lui est proposée. Cependant, le consultant est jeune et il a donc faim. Rompu aux techniques de l’optimisation et au concept de rentabilité, il remplit donc son sinistre plateau jusqu’à en recouvrir toute la superficie, mais en gardant toujours un air digne.

Vous n’entendrez pas dans la bouche du consultant le moindre « j’ai les crocs », « vite, j’ai faim », « je pète la dalle » ou toute autre assertion qui témoigne de la présence d’un estomac dans le corps du consultant.

Puis le consultant toise encore le réfectoire en quête d’une place digne, c'est-à-dire, loin des assistantes qui se racontent leur matinée (tout comme le font les consultants), quelle conversation à faible valeur ajoutée !!! loin des stagiaires qui se remettent de leur charge de travail ahurissante, mais pas trop près non plus des éventuels managers qui déjeunent déjà.

En clair, le consultant fait comme tout le monde : il cherche une place en essayant de ne pas renverser son plateau sur la moquette, voir, sur la tête d’un collaborateur.

Les choses se corsent dans la quête du café digestif tellement mérité ! Il faut encore faire la queue, observer son entourage car nombreux sont ceux qui attendent leur petit café du midi. Et cela, le consultant ne sait pas le gérer. En effet, le consultant s’épanouit en groupe, dans une ronde de costumes sombres qui habillent des têtes bien faites toujours prêtes à produire un trait d’esprit bien senti. Et dans sa quête de café, mais toujours en défendant un certain statu, le consultant oubli qu’il doit « faire la queue comme tout le monde » et que le troupeau de consultants ne peut être servi prestement.

C’est mon moment préféré dans l’observation du consultant en pause déjeuner. Le moment où Super Nany intervient et recadre le consultant en lui rappelant qu’ici, on est pas chez mémé et qu’on fait en sorte de, vite fait bien fait, commander son kawa, de rester en rang, sinon, on s’en sort pas, et de répondre derechef à la question « qu’est-ce que vous prenez ?», sinon, c’est pas la peine de faire la queue. Bref, le consultant est confondu par son absence flagrante de l’analyse du contexte, son absence de réactivité et de diligence à faciliter le process. Et ça le consultant, ça lui coupe les pattes, surtout quand c’est la dame du café qui lui fout dans les dents avec sa diction parfaite et son look de super Nany.